Panneau 11 : Le village de Carré

Un village de caractère

Implanté à la limite du territoire de la commune de Libourne, le village de Carré est un lieu d’habitation très ancien. Sa position sur un point haut des berges de la Dordogne le met à l’abri des inondations. Cependant, bien qu’éloigné de la bastide, il bénéficie de la proximité de la rivière et des terres agricoles du saint-émilionnais. L’activité de ses habitants a longtemps été influencée par la présence de l’eau, à travers la pêche et le transport de marchandises. Les ressources de la pêche et de l’agriculture se sont ainsi associées aux facilités de transports que proposait la Dordogne aux époques où les transports routiers étaient difficiles et peu sûrs

Une longue histoire

Ces activités, favorisées par des caractéristiques géographiques, sont étroitement liées une présence humaine qui plonge ses racines jusqu’à l’aube de l’histoire

On y remarque en effet un menhir, moins imposant que celui de Pierrefite à quelques kilomètres de distance.  La tradition rapporte cependant qu’il était voué aux cultes de la fertilité. Modeste ruisseau, le Tayas marque depuis le Moyen-Age la frontière entre les juridictions de Saint Emilion et de Libourne. Au 17ème siècle,  pendant la période la Fronde, ses rives furent le théâtre de batailles où le sort de Libourne était en jeu.

Plus près de nous, c’est dans le village de Carré que s’ouvrit au public la première piscine libournaise en 1937, de la préhistoire jusqu’au XXème siècle.

Porte ouverte sur un territoire

Si le village de Carré partage l’histoire de Libourne, il nous invite aussi à en découvrir le terroir.

Sa rue principale conduit de la route de Castillon vers les berges de la Dordogne. Elle souligne ainsi le trait d’union formé entre la vie de la rivière, la vie des campagnes, et la vie de la ville. Prés du menhir, passé le pont du Tayas, un chemin de randonnée peut vous conduire jusqu’à Branne et chemin faisant vous faire découvrir les berges tranquilles de la Dordogne avec ses bois, ses palus, et ses vignes.

Bonne Route !

 

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Le ruisseau du Tailhas

Le ruisseau du Tailhas est l’un des ruisseaux qui, descendant des plateaux de Saint-Emilion, se jette dans la Dordogne. C’est aussi un Estey, c’est-à-dire un ruisseau dans lequel les eaux de la Dordogne remontent à marée haute.

En 1289, lors d’un séjour au château de Condat, le Roi d’Angleterre, Duc d’Aquitaine, Edouard Ier choisit le cours du Tailhas pour délimiter les juridictions de Saint-Emilion et de Libourne. Pour partie, cette délimitation devenue communale est toujours d’actualité. Le Tailhas sépare désormais Libourne des communes de Saint Sulpice-de-Falleyrens et de Saint-Emilion.

 

Le Peyrat de Carré

Le transport fluvial représentait jusqu’au milieu du 19ème siècle une voie de circulation plus sûre que les routes terrestres. Il était aussi plus pratique, plus économique et plus rapide. La Dordogne était alors sillonnée par des embarcations de transport, les gabarres. Pour bénéficier de ces avantages, les exploitations agricoles les plus importantes ainsi que de nombreux villages riverains du fleuve avaient aménagé sur les berges des Peyrats, c’est-à-dire des empierrements permettant l’abordage des gabarres et la manutention des chargements. Beaucoup de peyrats ont aujourd’hui disparu. Celui du village de Carré est un exemple de ces aménagements qui permettaient d’accéder aux embarcations quel que soit le niveau de la marée. Les peyrats pouvaient également être utilisés par d’autres types de bateau tels les filardiéres embarcations étroites et rapides utilisées pour la pêche.

Le menhir de Carré*

Le menhir de Carré est actuellement entreposé dans le Jardin Maurice Robin au cœur de la bastide dans les années 1970 après avoir été déplacé à plusieurs reprises et avoir échappé à la destructionpour faciliter la circulation.

Mégalithe de petite taille, 1,85 m seulement, il n’en est pas moins recensé parmi les monuments que la préhistoire a laissé en Gironde. Étudié dans les années 1940, les cuvettes, les traces d’usures et de clous visibles sur sa surface laissent penser aux spécialistes que cette pierre était vouée aux rites de la fécondité féminine. Elle répond en cela au menhir de Pierrefitte qui aurait eu une vocation similaire pour des rites masculins.

*Ce texte est rédigé dans la perspective du déplacement du menhir qui à l’heure actuelle est toujours dans le jardin Maurice Robin caché par une touffe d’arums

La bataille du pont de Carré

En 1649 les Bordelais se révoltent contre le pouvoir du jeune roi Louis XIV et de son ministre Mazarin, c’est la Fronde. Cependant, Libourne contrairement à Bordeaux reste fidèle au Roi. Les Bordelais envoient alors une flotte et une armée pour assiéger la ville et s’assurer de sa position stratégique.

Un combat naval à lieu sur la Dordogne devant Libourne. La flotte bordelaise est constituée de navires de commerces grossièrement équipés pour le combat. Mal armée, mal conduite par des marins qui ne connaissaient pas les eaux de la Dordogne, cette flotte finit par s’échouer sur les berges et doit abandonner le combat, non sans avoir endommagé les murs et les maisons de la bastide.   

Un contingent bordelais est également présent sur terre pour enfermer les défenseurs de Libourne dans la ville et y donner assaut. Cependant le Duc d’Epernon, gouverneur militaire de Guyenne au service du roi, envoie vers Libourne une armée de secours.  Les 500 hommes de l’arrière-garde bordelaise rencontre alors les 2 300 hommes de l’armée royale qui écrase les assiégeants. L’historien libournais Souffrain situe cette bataille à la limite du territoire libournais, au pont de Carré qui enjambe le Tailhas.

Quant à Libourne invaincue, elle accueille triomphalement Louis XIV et sa cour l’année suivante, en 1650.

Le siège de Libourne restera une humiliation pour les frondeurs bordelais dont la révolte ne s’éteindra finalement qu’en 1653.

La piscine de Carré

A l’emplacement actuellement occupé par le magasin « La Foirfouille », s’ouvre en 1937 la piscine de « Carré-Plage » aménagée par la famille Barbe. Son bassin est alimenté par un puits artésien, source donnant une eau jaillissante. Cet établissement privé constitue la première piscine publique ouverte à Libourne. Son bassin en plein air, ses plages et sa guinguette ouverts de juin à septembre permettaient à de nombreux Libournais de se détendre en s’adonnant aux loisirs aquatiques, emblématiques de cette période d’avant-guerre qui inaugure également les congés payés.

Œuvre utile, elle abritait aussi une école de natation et de sauvetage. L’exploitation de la piscine de Carré cessa avec l’ouverture de la piscine municipale de Libourne en 1966.

Histoire naturelle

La forêt ripisylve et les aubarèdes

Le Peyrat de Carré offre un excellent point de vue sur la Dordogne et sur les forêts ripisylves qui peuplent ses rives.  Ces couloirs boisés d’arbres de hautes futaies occupent des terrains inondables soumis à l’érosion des eaux, sur lesquels au fil des siècles des digues ont été aménagées aux endroits sensibles pour protéger les terres agricoles et les zones d’habitation lors des crues. On y trouve toutes sortes d’espèces d’arbres notamment des saules qui peuvent ici satisfaire leur important besoin en eaux.  Les Saules, appelés aubiers en Gironde ont donné leur nom à ces zones : qui les aubarèdes, les lieux plantés d’aubiers.

Les aubarèdes étaient appréciées à plus d’un titre. Elles représentaient pour les riverains une ressource en bois et une réserve de chasse. Elles pouvaient servir pour l’amarrage des embarcations, à l’ancrage des carrelets ou des pontons. Enfin, elles stabilisaient les rives et les digues, en renforçant par leurs systèmes racinaires la tenue des terres face au courants de la rivière et des marées.

Elles pouvaient cependant être sources de dangers pour la navigation, quand il arrivait que des arbres déracinés partent à la dérive.

L’angelica heterocarpa

L’Angélique des estuaires, ou Angélique hétérocarpe, est l’une des plantes rares qu’il est possible de rencontrer sur les aubarèdes.

L’angélique constitue une famille de plantes qui regroupe plusieurs variétés, la plus connue étant l’angélique officinale. Cette plante ombellifère, qui peut atteindre deux mètres de haut, est très aromatique. Elle est cultivée de nos jour pour la pâtisserie et la fabrication de liqueur.

Au Moyen-âge, elle était également reconnue comme plante médicinale anti-pesteuse. On lui prêtait aussi des vertus magiques pour combattre le mauvais sort et éloigner les sorciers.

Ainsi la plante tire son nom de cette réputation magique.

Différente de sa cousine l’angélique officinale, l’angélique des estuaires, est une plante rare, sauvage et très protégée au titre des sites Natura 2000. Cette variété particulièrement délicate ne pousse que dans des sols argileux et dans des zones soumises à la submersion des marées et bénéficiant d’une luminosité suffisante.  Cette plante se développe pendant 4 à 5 ans, ne fleurit qu’une seule fois et meurt, tandis que les marées et les courants dispersent ses graines. Elle constitue l’une des perles rares de la flore des rives de la Dordogne.